30 juin, comme aujourd’hui, proclamation de l’indépendance du Congo
Ce jour-là, à Léopoldville (Kinshasa) a lieu la cérémonie officielle de la proclamation de l’indépendance. C’était un jeudi, à 11h, lorsque la cérémonie est lancée au Palais de la Nation.
La cérémonie de proclamation de l’indépendance fut précédée par le Te Deum à la Cathédrale Notre Dame du Congo (l’office religieux fut présidé par Monseigneur Pietro Sigismondi, délégué du Pape Jean XXIII aux cérémonie de l’indépendance et ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Vatican au Congo).
Après ce Te Deum, toutes les délégations furent conviées au Palais de la Nation pour les cérémonies proprement dites, cérémonies présidées par Joseph Kasongo, président du Parlement congolais. Invité à agrémenter les cérémonies de l’indépendance, l’African Jazz de Joseph Kabasele, était déjà au Palais de la Nation depuis 9h00, animant les invités, avec les célèbres morceaux enregistrés à Bruxelles pendant la Table Ronde : Indépendance cha-cha, Naweli Boboto, Table Ronde, etc.
Par ordre protocolaire, les Chambres, les invités, puis le Premier ministre, le Chef de l’Etat et le Roi firent leur entrée au Palais de la Nation. Deux discours furent programmés pour l’occasion : celui du Roi Baudouin et celui du Président Kasa Vubu. Le Roi prononça son discours, qui fut ni plus ni moins l’éloge de la colonisation initiée par ses aïeux, notamment par le Roi Léopold II, et parachevée par ses concitoyens. “C’est cet héritage que le Roi et le peuple Belge cèdent aux Congolais en leur priant de bien le gérer”, dira le Roi Baudouin. Ce discours du Roi consacrait donc l’indépendance du Congo et fut suivi d’applaudissements et de cris de liesse à travers la ville et pays tout entier. Puis vint celui de Kasa Vubu qui ne s’écarta pas de celui du Roi. Ce discours se termina, lui aussi, par des applaudissements.
Mais à la fin du discours du Chef de l’État, à la surprise générale du protocole des invités, le président des cérémonies, Joseph Kasongo, invita ensuite le Premier ministre Lumumba à prononcer son discours de circonstance. Lorsque Patrice Lumumba se leva, une froideur et une torpeur s’emparèrent de la salle, surtout que les premiers mots de Patrice Lumumba donnaient déjà le ton de son allocution. Il la commença par s’adresser, non pas au Roi ou aux différents invités présents, mais plutôt aux “Combattants de la liberté”. D’ailleurs, pendant que le Roi Baudouin et le Président Kasa Vubu prononçaient leurs discours, le Premier ministre Lumumba était occupé à relire et à corriger ses notes.
Chacun des invités ayant suivi ce discours de Lumumba le prit selon son tempérament et surtout son appartenance idéologique et politique. Quelques autorités congolaises, notamment le Président Kasa Vubu, chez qui le Roi Baudouin s’était penché pour lui demander s’il en savait quelque chose, se sentirent fort embarrassés; tandis que les milieux belges et diplomatiques semblaient encaisser le coup de ce qui devint un crime de lèse-majesté.
Après le discours de Lumumba, l’acte officiel de l’indépendance fut signé par les Premiers ministres Belge et Congolais, Gaston Eyskens et Patrice Lumumba, contresigné par les deux Ministres des Affaires Etrangères Pierre de Vigny et Justin-Marie Bomboko.
La cérémonie officielle terminée, les officiels belges et les autres invités furent irrités et déçus par le discours de Lumumba, considéré comme une insulte au Roi; celui-ci et sa délégation faillirent repartir à Bruxelles dans la soirée même, sans plus attendre la suite des cérémonies. Mais la diplomatie joua et ils décidèrent, enfin, de rester.
Le cortège officiel alla ensuite vers la statue équestre de Léopold II où le Roi rendit hommage à son ancêtre. Il y fut accompagné par le Président Kasa Vubu, le Premier ministre Lumumba, le Président du Sénat, Joseph Iléo, le Président du Parlement, Joseph Kasongo, le vice-premier ministre Antoine Gizenga et le Ministre des Affaires Etrangères, Justin Bomboko.
Benjamin Babunga